28 septembre 2014

Les avatars du Socle commun

castellanet_gilbert_52-photo_miniLe socle commun, né en avril 2005 de la Loi Fillon, a engendré des masses de papiers, mais n’a jamais eu de traduction dans la réalité. Il est mort en juin 2013 au vote de la Loi dite de Refondation de l’Ecole. Depuis, il est dans les limbes, dans l’attente d’une mise en application promise pour la rentrée 2016.

I – La Loi Fillon (avril 2013)

La scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun constitué d’un ensemble de connaissances et de compétences qu’il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société. Ce socle comprend :

  • la maîtrise de la langue française ;
  • la maîtrise des principaux éléments de mathématiques ;
  • une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté ;
  • la pratique d’au moins une langue vivante étrangère ;
  • la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication.

Ces connaissances et compétences sont précisées par décret pris après avis du Haut Conseil de l’éducation.
L’acquisition du socle commun par les élèves fait l’objet d’une évaluation, qui est prise en compte dans la poursuite de la scolarité.

Décret du 11 juillet 2006

• Les 5 domaines ci-dessus sont devenus 7, par adjonction de :

  • des compétences sociales et civiques ,
  • l’autonomie et l’initiative des élèves.

Cet ajout, marque de l’idéologie dominante de l’Education nationale, change totalement l’esprit de la Loi. Car les cinq premiers domaines peuvent être considérés, avec une certaine largeur d’esprit, comme se rattachant au Savoir. Les deux nouveaux domaines sont relatifs au comportement des élèves, à leur éducation et non à leur instruction.

• “Compétence” a donné lieu à de multiples interrogations dès qu’on voulait l’appliquer à un domaine réel et à des élèves réels. Le décret mentionne que “chaque grande compétence du socle est conçue comme une combinaison de connaissances fondamentales, de capacités à mettre en œuvre, et d’attitudes indispensables tout au long de la vie, comme l’ouverture aux autres, le respect de soi et d’autrui, la curiosité et la créativité”.

Ainsi, les compétences, juxtaposées aux connaissances dans la Loi, incluent des connaissances dans le décret !

• Le décret présente un certain détail pour chaque domaine, chaque item étant décliné en connaissances/capacités/attitudes.

Exemples :

  • Français/capacités : être capable de lire des œuvres intégrales, notamment classiques, et rendre compte de sa lecture,
  • Mathématiques/attitudes : rigueur et précision.

II – Entre 2006 et 2012.

Nombreuses tentatives pour clarifier la nature de cet objet non véritablement identifié qu’est le socle, et notamment :

  • pour essayer d’expliciter ce qui, dans les programmes, relève du socle commun ;
  • pour essayer de définir des normes d’évaluation.

• Ainsi, le Haut Conseil de l’Education (HCE) dans son bilan des résultats de l’année 2011, s’interroge encore sur le sens à donner au mot “compétences”.

• Les diverses tentatives pour situer le socle commun dans les programmes et pour préciser les bases de l’évaluation ne sont pas concluantes, en particulier parce que, si pour les auteurs les connaissances sont d’un abord familier, ils échouent à définir des compétences, capacités ou attitudes sans paraphraser les connaissances.

III – La Loi dite de Refondation de l’Ecole  (juin 2013)

• Dans l’article de la Loi relatif au socle commun, l’énumération des domaines est supprimée, ce qui fait de cet article une simple déclaration d’intentions.

• Le Conseil Supérieur des Programmes a publié en juin 2014 un document intitulé “Projet de socle commun de connaissances, de compétences et de culture” qui fournit les grandes lignes des futurs programmes et évaluations.

Les compétences sont définies comme “capacités à mobiliser des ressources (savoirs, savoir-faire, savoir être) devant une tâche ou une situation complexe”.

La nouvelle liste des domaines est la suivante :

  • les langages pour penser et communiquer,
  • les méthodes et outils pour apprendre,
  • la formation de la personne et du citoyen,
  • l’observation et la compréhension du monde,
  • la représentation du monde et de l’activité humaine.

Les savoirs disciplinaires ont disparu, et tous les domaines sont dits “transversaux”. D’ailleurs le document donne en référence “centrale” la culture commune, qui est à l’opposé de la culture classique.

La question des niveaux est abordée.

Le brevet doit permettre la valorisation du socle, et par conséquent les évaluations doivent permettre de “valoriser différents niveaux de réussite”. Un niveau au moins suffisant sera défini dans chaque domaine et donc exigé de tous les élèves.

Cet ensemble de niveaux suffisants sera donc commun à tous les élèves ayant validé le brevet. On peut donc en déduire que le socle commun est défini par ces niveaux juste suffisants.

IV – On ne peut aller plus loin aujourd’hui. Il faut attendre la publication des nouveaux programmes et des nouvelles évaluations.

On saura alors dans quelle mesure le CSP, et surtout la Ministre, auront fait preuve de courage, de largeur de vues, et d’ambition, ou bien s’ils ont cédé à la facilité d’égaliser par le bas, en sabotant encore plus la transmission du savoir, et en s’alignant sur l’état déplorable de notre système d’enseignement.

Gilbert CASTELLANET

Gilbert Castellanet est polytechnicien, auteur de différents ouvrages sur l’école et notamment de « Le collège unique ou l’intelligence humiliée » et dirigeant de l’association Lire Ecrire.

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