14 janvier 2015

A l’école, je suis fier de ma famille, en famille, je suis fier de mon école

la-placelli+¿re-1Un jeune éducateur témoigne de sa façon toute salésienne de concevoir l’éducation de la jeunesse.

Quel modèle voulons-nous pour nos enfants, quel écrin pour abriter leur enfance, quel tremplin pour les lancer dans l’existence ? A Saint-Martin, nous choisissons résolument le modèle familial et nous voulons le reproduire à l’école de tout notre possible.

L’école au service de toutes les familles, dès lors qu’elles sont désireuses d’offrir à leurs enfants le modèle de l’Evangile.

La transmission du catéchisme et de la liturgie nous oblige : ce n’est pas le tout d’enseigner et de célébrer, il faut vivre ce que nous célébrons et enseignons, pour offrir à nos enfants le bonheur d’être enfants de Dieu en vérité, de vivre, d’aimer et d’être aimés comme tels.

Quelle force donnerions-nous à notre enseignement et à la liturgie si nous ne nous imposions pas le code d’honneur de l’Evangile ? Et à quoi bon les enfants passeraient-ils des années chez nous sans jamais rencontrer le Seigneur et quelques-uns de ses saints pour s’engager dans leur sillage ?

Nous voulons que nos enfants soient armés. Il faudra donc leur offrir non seulement les éléments requis à la formation d’un caractère complet (intel-ligence, volonté et cœur), mais aussi les édifier pour donner du charme à l’exigence chrétienne. Il leur faudra des repères vivants, des exemples qu’ils emporteront dans leur cœur et qui les marqueront pour toujours. L’école doit promouvoir la classe des saints.

Le climat doit être familial. Comme la famille, l’école doit pouvoir en effet devenir pour tous les enfants la maison, la forteresse et le lieu d’une authentique tendresse qui aura aussi éclairé leur enfance et finalement toute leur vie.

Nous parlons donc souvent de la famille aux enfants. Nous ne voulons pas juger les familles, les mésestimer, leur faire porter des poids excessifs qui ne profiteront pas à la foi et à la persévérance des enfants. Nous voulons que les enfants sachent l’estime que nous portons nous-mêmes à leurs familles. Nous aussi, éducateurs, nous sommes fils de famille. Nous ne voulons pas devenir censeurs des familles, ni distributeurs de bonus/malus.

Nous exalterons le sacerdoce et la vie religieuse, et tout autant le mariage, nous employant à développer l’admiration que les enfants doivent porter à leurs parents, et pas exclusivement à leurs prêtres. Nous veillerons à ne pas réduire la paternité et la maternité de leurs parents à la transmission de la vie terrestre, comme si cette transmission était purement charnelle, vaguement morale et culturelle, et en rien spirituelle.

A l’école, le règlement intérieur est très court, il tient en une seule page. C’est l’autorité paternelle du directeur qui doit fixer les usages de vive voix. La vie des élèves n’est pas alourdie et rendue pénible par une législation tatillonne. Il incombe à l’école de rendre la justice et l’ordre attirants et naturels à toute âme bien née. C’est-à-dire à l’écrasante majorité de nos enfants.

Les résolutions communes

Fonction de l’âge, les résolutions sont prises en commun. Il y a souvent une résolution de semaine qui concerne toute l’école ; une résolution de carême aussi (cette année : la joie dans le sacrifice) que l’on décline selon les activités qui se présentent.

Engagement des élèves pour leur école

Les élèves s’approprient leur école, ils y sont à l’aise comme à la maison. Une bonne part des travaux d’entretien leur revient, l’encadrement s’y engageant avec eux. C’est l’occasion d’échanges fructueux et de découvertes des personnalités.

Lors des repas, les élèves déjeunent par classe sous l’autorité d’un chef de table ; ils sont huit par table. A la table d’honneur, les éducateurs, le directeur. La table d’honneur donne le ton de la tenue à table.

Chaque élève reçoit des responsabilités. Souvent l’occasion est offerte aux enfants de prendre l’initiative dans les travaux et les services. La satisfaction de voir l’avancée des travaux de l’école crée des affinités et réunit des garçons très différents de caractère et d’éducation. Nous travaillons en équipe, et les équipes se composent spontanément.

Les récréations

Il est important que les élèves aient leur chez soi. D’où les cabanes. Actuellement trois sont en chantier. Les élèves les construisent sans chercher toujours la facilité. Ils apportent des outils personnels ou demandent à en emprunter à l’école. Dans ce cas, ils partent à la cabane et en reviennent avec une brouette chargée d’outils les plus divers. Il arrive que l’autorité visite les cabanes. C’est l’occasion de féliciter, d’encourager particulièrement les enfants qui manifestent des talents qu’on ne leur connaissait pas, d’offrir un cadeau, comme par exemple un drapeau.

Etude

L’étude est suivie ; les enfants peuvent réciter leurs leçons et sont épaulés dans leurs difficultés.

Veillée et prière

Au chapelet, les élèves conduisent la dizaine à tour de rôle comme en famille. Le soir, tout le monde se réunit au foyer : avec ses canapés et ses tapis, c’est la pièce la plus confortable de l’école. Les élèves aiment s’y retrouver avec une bande dessinée, un livre d’images ou d’aventure. Dès que tout le monde est réuni dans cette pièce, on commence la lecture en famille : le directeur de l’école ouvre un livre, fait lui-même la lecture, pose les questions ou répond à celles qu’on lui pose. On réagit ensemble à l’histoire et on se retrouve dans les mêmes sentiments au fil de la lecture : soit la ferveur, la terreur, le rire, le sentiment renouvelé de l’honneur, de la bravoure, de la compassion, de la noblesse, de l’héroïsme. C’est le grand moment d’évasion de la journée ; on oublie les reproches, les punitions, les mauvaises notes qui auraient pu arriver. La veillée est le baume de la journée. Le pire qui puisse arriver  c’est d’en être privé ou exclu parce qu’on n’a pas voulu sortir de sa petite vie à soi et qu’on gêne ce grand moment que tous attendent. Heureusement le bannissement est très rare et l’on n’est jamais banni deux fois.

Pour marquer une grande fête, la veillée a lieu au fond du parc, dans le bois, et on allume un grand feu.

Après la lecture, la prière du soir. Nous chantons les prières du soir classiques (Avant d’aller dormir, O Vierge de lumière), nous méditons un peu, nous faisons l’examen de conscience ; nous terminons par quelques invocations et la prière à l’ange gardien. Quand le temps le permet, la prière peut se tenir sur le balcon, qui offre une très belle vue sur le parc et les vignes, ou même dans le parc où nous admirons le coucher de soleil et la tombée de la nuit, l’apparition des astres, l’arrivée de la chouette et des chauves-souris. Dans cet émerveillement, le cœur se purifie et les enfants ne sont plus agités. Les belles images entrent doucement et efficacement dans la mémoire. A la fin de la prière, ils reçoivent la bénédiction du prêtre et lui confient telle difficulté à résoudre ou lui demandent conseil.

Les chambres peuvent recevoir jusqu’à quatre élèves, pas plus. Les élèves sont répartis par âge et, quand c’est bon, par affinité. Les portes des chambres restent ouvertes : chacun veille sur son camarade, prêt à bondir du lit en cas d’appel.

La relation des éducateurs aux élèves.

Les élèves doivent savoir qu’ils sont aimés et respectés par leurs éducateurs et professeurs. Ils savent qu’ils peuvent compter sur eux pour les aider à progresser et à ne jamais céder au dégoût ou au découragement. Les éducateurs et professeurs veillent à être justes, attentifs à chaque personnalité, à exercer une autorité naturelle et s’interdisent toute familiarité déplacée, moquerie ou ironie blessante. Pour reprendre un élève, on dira par exemple : « Cela m’étonne de vous ! », et non pas « Je ne suis pas surpris ! Encore vous, comme toujours ! »

Les enfants ne s’y trompent pas.

L’éducateur est au service de la vérité en la servant aux enfants et en leur en  montrant le charme, par où il assure son triomphe.

On ne critique jamais les parents d’élèves devant les enfants, même en particulier. On observe une grande réserve et une grande discrétion sur la vie de famille, et on se garde bien de juger. Pourtant, on prend intérêt aux familles des enfants et aux événements qui les touchent.

L’éducateur, surtout s’il est consacré à Dieu, se doit d’être un exemple de politesse et de charité. Son enthousiasme doit toujours édifier et porter les enfants plus haut, leur donner la certitude qu’ils progresseront, sans jamais douter de l’amour de Dieu.

La relation des élèves aux adultes

Les élèves doivent accueillir par leur politesse naturelle, toutes les personnes qui interviennent à l’école. Tant les personnes qu’ils sont habitués à voir pendant la semaine que les visiteurs de passage : artisans, entrepreneurs, fournisseurs, livreurs.

Il y a une politesse d’école, des attitudes et des paroles qu’on utilise, d’autres qu’on s’interdit, comme un code. Il faut des rites, c’est l’esprit de l’école.

Dans le code, il y a place aussi pour des onomatopées, des mots bien à nous que nous seuls comprenons. De cette manière le cadre général, qui pourrait paraître austère, et qui l’est parfois bien sûr, prend un visage familier et riant.

Les élèves développent vite une politesse plus chaleureuse envers les autorités de l’école, ils leur manifestent une réelle affection et reconnaissance, surtout à l’arrivée le lundi matin et au départ le vendredi soir. Une manière bien éloquente de serrer la main ou de dire merci du regard.

En vacances, les élèves écrivent à leur initiative. A la nouvelle année, ils envoient une carte de vœux de leur création.

La relation des élèves entre eux

L’esprit de corps favorise le départ de belles amitiés. Mais surtout, les élèves doivent s’aimer parce qu’ils sont élèves de la même école, de la même classe, et ainsi de suite. C’est le motif essentiel. On reçoit les mêmes trésors, on connaît les mêmes joies, les mêmes élans.

Tout le monde doit connaître le prénom de tous ses camarades d’école, et l’usage du seul nom de famille est proscrit. Les élèves aiment se plier à cette discipline.

Ils se soutiennent dans leurs activités, se reprennent même mutuellement pour revenir dans le bon chemin.

La relation des éducateurs entre eux

Les enfants savent reconnaître tout de suite la bonne relation de respect, d’amitié et de soutien mutuel qui existe entre leurs éducateurs. A l’école, nous prenons le temps entre éducateurs. La convivialité du déjeuner et du café profite à tous les élèves et rend le métier d’enseignant encore plus agréable. Evidemment on parle des élèves et des difficultés rencontrées, parfois des parents d’élèves. Là aussi, il faut veiller à ce que les échanges visent un plus grand bien, et qu’ils ne soient pas entachés de zèle amer ou d’acrimonie. Il fait bon aussi sortir ensemble des préoccupations des élèves, aborder les sujets les plus divers.

Les relations de la direction et des professeurs aux parents d’élèves

Les parents savent qu’ils peuvent facilement joindre la direction de l’école ou les professeurs. Dans l’autre sens, le directeur appelle aussi les parents pour prendre leur avis de premiers éducateurs. Peu à peu se met ainsi en place une relation de confiance réciproque et avec tous. Cela nécessite de la bienveillance, de la souplesse, de l’intelligence. On ne défend pas un schéma éducatif intangible, une idée personnelle et fixe ; on est au service des enfants et on fait équipe en s’appuyant les uns les autres. On n’évite pas les échanges, on est heureux de se saluer, de se parler, notamment à la sortie des demi-pensionnaires, chaque jour à 16h30, et plus spécialement le vendredi, où les familles des pensionnaires peuvent être présentes.

Tout le monde fait de gros efforts ; à l’école, l’investissement des éducateurs est un sacerdoce qui se vit tous les jours et demande une disponibilité de tous les instants ; du côté des parents, c’est la séparation de la semaine pour nombre d’entre eux dont les enfants sont pensionnaires, et un investissement financier lourd pour toutes nos familles. Nos familles sont nombreuses : en moyenne 6,5 enfants par famille. Il est donc exclu de vivre chacun dans son coin avec l’idée que les contacts vont alourdir encore plus les choses.

Au contraire. Nos échanges d’adultes confortent les enfants dans la joie d’avoir une bonne école où les familles sont heureuses de se retrouver et de se sentir épaulées et comprises. Nos échanges les confortent aussi dans leur fierté ; lorsque leurs parents et leurs éducateurs se rencontrent, ils ne peuvent qu’être fiers. Devant leurs frères et sœurs ou leurs camarades qui assistent à la scène de loin, mais attentivement, ils n’ont pas à rougir de leur famille ni de leur école. Il arrive aussi, à la fin de ces échanges, que l’on récapitule tout en présence de l’élève, qui doit sentir que ses parents et son directeur ou éducateur s’entendent bien, qu’il n’a que du bien et du profit à attendre de leur concertation et estime réciproque, que leurs conversations ne sont pas des conciliabules dont il fait les frais.

Nos enfants sont nos pères et nos prêtres de demain. Ils ont déjà la vocation, tout est une question de chrono. Merci mon Dieu, de nous les confier, pour votre gloire. Et vous, amis lecteurs et chers parents, soyez assurés, malgré nos faiblesses, de notre soutien et de notre prière.

 

Abbé Bruno LAJOINIE
Directeur de l’école Saint-Martin de La Placelière (44)

Ecole Saint-Martin La Placelière 44690 Château-Thébaud
lajoiniebruno[arobase]gmail.com

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