6 mars 2012

Le professeur principal, une pratique des écoles indépendantes qui pourrait inspirer les réformateurs

Une tribune libre de Michel Valadier, directeur du lycée hors contrat Saint-Dominique (Le Pecq, 78)

Consentir une importante augmentation de salaire aux professeurs volontaires pour passer plus de temps à l’école est une bonne idée, à condition que ce temps supplémentaire soit consacré au cœur de métier du professeur. Michel Valadier témoigne de la pratique innovante de tutorat individualisé qu’il a mis en place dans son établissement secondaire hors contrat, et qui pourrait faire des émules.

Le soutien scolaire est déjà une démarche intéressante par rapport au modèle classique du professeur qui fait son cours collectif et s’en va, mais on peut tirer un meilleur parti des heures supplémentaires payées aux professeurs. A Saint-Dominique, groupe scolaire indépendant de 650 élèves, nous pensons qu’il faut effectivement rétribuer les professeurs qui effectuent des heures de présence dans l’établissement en plus des seules heures d’enseignement collectif. Mais nous allons plus loin : pour nous, allouer ces heures doit conforter le professeur dans la conscience de sa mission éducatrice et renforcer les moyens mis à sa disposition pour s’en acquitter de manière satisfaisante.

Les rallonges horaires doivent permettre à l’enseignant du secondaire, pour ne parler que de ce cas, de faire grandir les élèves qui lui sont confiés en développant leur intelligence et leur esprit critique ainsi que leur connaissance d’eux-mêmes et de leurs aspirations profondes. Il s’agit finalement de consacrer du temps à les préparer à leur vie d’adulte, à préparer leur orientation.

Concrètement, comment faire ? Notre établissement secondaire hors contrat, du fait de son indépendance, a pu explorer une piste qui nous semble féconde et qui pourrait être une concrétisation de la suggestion intéressante du candidat aux élections présidentielles, Nicolas Sarkozy : faire évoluer la mission du professeur principal.

Dans les écoles publiques ou sous contrat, le professeur principal a pour mission d’assurer le lien entre les familles et le corps professoral. Pour cela, il bénéficie d’une indemnité de 1 h 30 par mois, qui est assez peu motivante, alors qu’il lui faut recevoir les familles qui le demandent, voir les élèves de leur classe en grande difficulté, faire le point avec les collègues et préparer les conseils de classe. Ce qui dépasse très largement la durée compensatrice allouée.

Dans notre établissement indépendant, nous avons expérimenté depuis plusieurs années une autre approche, qui part du constat que chaque élève – même s’il ne pose pas de difficultés – doit être suivi individuellement. Nous avons donc confié cette mission au professeur principal.

Avant la mission « de base » mentionnée plus haut, il a d’abord pour mission de suivre chaque élève individuellement, au sein d’une classe qu’il connaît bien puisqu’il y enseigne – ce qui n’est pas toujours le cas des professeurs affectés au soutien scolaire.

Cela a aussi l’immense avantage de traiter le principal problème de la plupart des élèves, du collège à la Terminale : Que vais-je faire après le collège ou après le lycée ? A travers ce suivi personnel, le professeur principal se rend disponible pour conseiller l’élève et l’écouter. Il se met dans une situation, littéralement, où il accepte de « répondre » à l’élève tant sur un plan académique que plus global. C’est cela que les adolescents recherchent et qu’ils ne trouvent pas dans les établissements classiques qui leur parlent de tout sauf de leur avenir propre.

En compensation de ce travail, nous accordons aux professeurs principaux une indemnité d’une heure par semaine, ce qui fait quatre heures par mois. Mais si nos moyens nous le permettaient, c’est le double qu’il faudrait leur donner, car nos professeurs passent plus d’une heure par semaine à remplir cette mission : entretiens individuels avec chaque élève par bimestre, que leurs résultats soient bons ou mauvais ; contacts avec tous les parents, ce qui suppose des points fréquents avec leurs collègues des autres disciplines…

Ce travail est essentiel : nous avons constaté qu’il réduit considérablement l’échec scolaire ; il renforce beaucoup la probabilité d’une orientation réussie en fin de 3e, en fin de seconde ou encore vers les études supérieures. Enfin, cela permet de réussir cette gageure de s’occuper à la fois de tous les élèves (au sein du « groupe classe ») et de chaque élève pris comme une personne unique (au sein de ces tutorats individuels et personnalisés).

L’expérience montre que cette pratique est aussi valorisante pour les professeurs principaux et très appréciée des familles. Une opération gagnant / gagnant en quelque sorte !

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