24 janvier 2013

Les nouveaux concours d’enseignement, c’est le retour des IUFM, mais en pire

Le projet de redéfinition des concours d’admission dans l’enseignement secondaire public et privé sous contrat est désormais connu, comme en témoigne ce document de travail. C’est un triomphe pour le pédagogisme le plus radical.  Voici une présentation de l’esprit de cette réforme adoptée à la hâte ainsi qu’un récapitulatif du nouveau calendrier du concours qui en découle.

Le vocabulaire employé dans le projet de redéfinition des concours d’admission est significatif, on y parle de « professionnalisation progressive » dans un « parcours qui n’est pas encore arrivé à son terme », ce qui veut dire que les « tuteurs » des futures Écoles supérieures (sic) du professorat et de l’éducation (EPSE), nouveau nom des IUFM, se donneront à nouveau le droit de chasser de l’enseignement ceux qui ne rentreraient pas dans leur moule pédagogiste car leurs « compétences » ne seraient pas suffisamment « en cours d’acquisition ».

Les concours sont présentés comme une manière d’évaluer des « compétences » professionnelles et des « gestes techniques », ce qui peut sembler un objectif honorable, mais cela se fait en réalité contre l’exigence d’un haut niveau de connaissances chez les enseignants.

Cela  se manifeste dans le barème qui accorde les 2/3 et non la moitié des points à des épreuves d’admission consacrées essentiellement aux techniques d’enseignement.

Les savoirs et les connaissances sont relégués dans l’arrière cour. Ils doivent être « mobilisés dans une perspective professionnelle » et les questions posées aux concours doivent concerner « le plus souvent » les programmes actuellement en usage et non la maîtrise générale de la matière à enseigner.

Il s’agit d’un retour à l’idée de l’enseignant répétiteur de contenus prédéfinis contre la conception d’un métier où le professeur dispose d’assez de recul pour créer lui-même son cours, dans le cadre posé par les programmes.

Cette réduction des connaissances au domaine restreint d’un instrument scolaire se voit aussi dans le contenu des épreuves. Elles mettent en effet la charrue avant les bœufs en demandant aux candidats de mettre en scène une situation professionnelle qu’ils n’ont par définition pas encore vécue, sauf de manière théorique dans les « Masters » qu’ils ont du passer avant de se présenter aux concours. Les candidats devront vivre une « mise en situation professionnelle, mettant en jeu la capacité à engager la construction d’une séquence pédagogique dont le candidat devra justifier, face au jury, les choix didactiques et pédagogiques qu’il a effectués ». Ils devront aussi présenter un dossier « destiné à montrer… le recul critique et une première approche épistémologique de la discipline et de ses enjeux. » Après l’expérience des IUFM et avec les mêmes « formateurs » on peut sérieusement douter de la liberté pédagogique qu’auront les candidats pour défendre une approche explicite, « frontale », structurée et progressive de la transmission des connaissances.

Dans cette vision très technicienne de la pédagogie, la dimension de critique des savoirs pour apprendre aux élèves à chercher la vérité n’est pas du tout mise en valeur. L’épreuve « d’exploitation d’un dossier documentaire » demande d’extraire des informations « analyse, synthèse, problématisation, hiérarchisation, tri, classement », mais pas de se demander si ces informations sont vraies.

Un ancien directeur d’IUFM, Jean Louis Auduc trouve que tout ceci ne va pas assez loin dans le pédagogisme, mais aussi dans la politisation de l’enseignement. Il considère en effet que demander aux candidats de s’exprimer sur « la signification culturelle, éducative ou sociétale des savoirs » ne suffit pas. Il faudrait, pour lui que les concours demandent de s’exprimer sur « les valeurs que portent la République et son école (Laïcité, égalité, refus des discriminations … l’égalité hommes-femmes) ». La marque d’une orientation politique se voit ici dans l’oubli d’autres valeurs proclamée par la République, qui dit « Liberté… égalité, fraternité » et se définit certes comme laïque, mais aussi comme démocratique et sociale.

Vincent Badré, professeur d’histoire géographie en lycée, auteur du livre L’histoire fabriquée ? aux Editions du Rocher. 
http://www.histoirefabriquee.com/

Nota bene : Bouleversements des calendriers des concours : Pour le concours 2013-2014, le calendrier est avancé. Les inscriptions prévues en juin-juillet 2013 auront lieu en janvier-février. Les épreuves d’admissibilité prévues en septembre-novembre auront lieu en juin et les résultats seront publiés en juillet au lieu de la toute fin 2013.
Les admissibles auront alors une année scolaire de service d’enseignement en tiers-temps et d’accompagnement par un « tuteur » pour préparer leurs oraux d’admission et leur « projet professionnel … comme cela se fait dans les Masters en alternance ».
Les candidats admis à ces concours 2013-2014 commenceront à exercer en septembre 2014. Les « nouveaux concours » pour 2014-2015 sont en cours de préparation et « comporteront en particulier une dimension professionnelle importante ».

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