29 janvier 2013

Un maire explique son engagement en faveur d’une école originale au service des enfants en difficulté

Les maires ont le pouvoir de faciliter la création et le développement d’écoles libres pour le bien des habitants de la commune et des environs. Ils sont de plus en plus nombreux à considérer qu’ils doivent à leurs ressortissants un véritable choix entre différentes pédagogies, entre différentes approches éducatives. Nous nous arrêterons ici sur le témoignage plein d’humanité et de détermination du maire de Pompignac qui n’a pas hésité à s’engager pour la ferme-école des Plateaux implantée près de Bordeaux, soucieux qu’il était de donner une solution éducative à des enfants voués à l’échec. Il en explique les raisons dans cette interview exclusive.

1/ Monsieur le Maire, comment avez-vous accueilli le projet d’installation de la ferme-école à Pompignac qui existe désormais depuis plusieurs années ?

J’ai pris vraiment connaissance de ce projet en 2008, au moment du dépôt du permis de construire. M. et Mme Paturel, qui hébergeaient jusque-là leur établissement à Floirac, ville de la périphérie immédiate de Bordeaux, ont trouvé à acheter une propriété de 4 hectares à Pompignac, en pleine nature, à proximité de l’école d’équitation et du club hippique.

Ils ont d’abord pu créer un jardin pour des cultures maraichères, cette activité faisant partie de leur pédagogie. La proximité des activités hippiques et la collaboration active avec les responsables du club leur ont permis aussi de faire profiter leurs pensionnaires des bienfaits du travail lié aux animaux. L’équithérapie est ainsi entrée dans les moyens utiles pour renforcer leur pédagogie active au service d’enfants et d’adolescents atypiques, rejetés par le système scolaire et qui ont besoin d’une autre démarche pour se révéler.

L’étape suivante a été de construire la nouvelle école, à Pompignac, avec une ferme plus élaborée, des abris et enclos pour divers animaux, volailles de basse-cour, âne, cochon, lapins, les animaux de la ferme en somme. L’énergie communicative des initiateurs du projet, leur personnalité tout à fait exceptionnelle, l’équilibre entre leurs compétences, l’expérience déjà conduite à Floirac depuis de nombreuses années, toujours couronnée de succès, les explications pédagogiques, psychologiques, caritatives apportées avec chaleur et précision m’ont immédiatement interpellé.

Je ne dirai pas que j’ai été convaincu, il n’était pas nécessaire que je le sois, tant cette initiative entrait dans ce qui représente l’évidence. Nombre d’enfants sont rejetés du système scolaire, car ils n’y sont pas adaptés à cause de leur caractère, de leur attitude de refus, de repli sur soi, de violence intérieure (se traduisant parfois par une violence exprimée). Ces enfants ne sont pas handicapés physique ou mentaux, ils ne sont pas autistes (leur cas relèverait d’une autre thérapie et d’un autre type de compréhension), ils ne sont pas non plus des délinquants à la dérive. Ils sont seulement autres, et la pédagogie habituelle ne sait pas les intégrer. Il n’y a aucune structure en France pour cette catégorie d’enfants, en échec scolaire, et qui se braquent d’autant plus qu’ils sont rejetés. D’où le bien fondé de l’initiative de Christine Paturel et de son mari.

Il était donc naturel que cette ferme-école soit bien accueillie à Pompignac. Elle l’a été de la part de l’équipe municipale et des responsables de l’urbanisme, qui ont cherché à promouvoir le projet. Elle l’a été moins bien de la part des riverains (pas tous cependant), qui craignaient de voir arriver des “repris de justice” et qui ont déposé des recours pour faire annuler le permis de construire. Il a fallu expliquer, convaincre, recevoir beaucoup de monde, faire des réunions publiques. Bref le projet a finalement été accepté par la population. Depuis, la construction a été lancée. De nombreux bénévoles ont donné de leur temps pour ce projet. Certains sont des Pompignacais, ce qui me réjouit. Le bâtiment est maintenant achevé et il est occupé par ces enfants et adolescents qui retrouvent le goût de l’école, avec cette pédagogie de l’écoute qui est si efficace pour eux, au contact de la nature, de la forêt, des jardins, des animaux de la ferme, des chevaux…

2/ Qu’apporte selon vous un tel projet d’école à la commune, à ses habitants ?
Pompignac, commune périurbaine, semi-rurale, de 2700 habitants, qui a attiré nombre de familles de la classe moyenne et des professions supérieures, jouit d’une tranquillité exceptionnelle et d’un cadre très attrayant : une nature préservée, une urbanisation maîtrisée, des paysages superbes dans des espaces vallonnés, boisés, viticoles, agricoles… L’école primaire du village est accueillante et sans problèmes. Il n’est pas inutile d’amener ceux qui ont trouvé là une bonne part de leur bonheur à le partager avec des enfants moins favorisés, qui ont rencontré dès leur entrée dans la communauté des difficultés majeures. Ces difficultés pourtant ne sont pas irrémissibles, vu le public considéré. L’installation de la ferme école du Village de Plateaux sur notre commune permet déjà ce partage.

Il est remarquable que même les riverains les plus hostiles se soient laissé apprivoiser. Ils n’ont pas eu à se plaindre de quoi que ce soit depuis l’installation des enfants dans les lieux et leur réticence s’est effacée. Souhaitons que cette conversion fasse le plus d’émules possible et que le travail remarquable accompli par les responsables de cette institution rende un jour fiers tous les Pompignacais.

Par ailleurs, l’installation de cette école dans un secteur naturel a un intérêt certain dans la gestion des sols. Voici une activité, liée à l’activité agricole, mais de nature éducative et caritative, qui régénère l’utilisation des espaces, dans des temps où l’agriculture est déprimée et où les terres sont désertées. La municipalité encourage ces reconversions du territoire, qui ne sont pas irréversibles pour les espaces ruraux (comme le serait une urbanisation complète) et qui apportent des activités variées, attachant la population sur les lieux (et pas seulement pour y dormir), créant des emplois, mettant d’une autre manière la terre au service des hommes.

3/ Qu’une telle école existe vous paraît-il important ? Et en quoi ?
Déjà quelques réponses à cette question ont été apportées ci-dessus, notamment en ce qui concerne l’existence, la présence de cette école à Pompignac. Plus largement, on peut dire que ce type d’école est une nécessité, car il n’existe pas de structure adéquate pour accueillir les enfants exclus du système scolaire. Voici une initiative qui répond à un besoin, à une urgence. Il faudra s’en inspirer. L’exemple du village des Plateaux, d’abord à Floirac, puis à Pompignac pourra servir d’exemple significatif.

Nous avons déjà eu une belle inauguration, en présence des “sponsors” et des personnalités locales et nationales (comme notre députée). Des témoignages très émouvants ont été apportés par des jeunes adultes qui sont passés par le Village des Plateaux étant enfants en difficulté, et qui ont trouvé de là leur équilibre, leur place dans la vie. Nous souhaitons aux “promotions” suivantes de connaître la même réussite. Félicitations à Christine et Gilles Paturel, à toute leur équipe, à tous les bénévoles qui s’impliquent tant dans cette superbe aventure ! Ils montrent un chemin à suivre.

Une interview de Denis Lopez, maire de Pompignac depuis recueillie par Anne Coffinier, directrice générale de la Fondation pour l’école.

Retrouvez l’interview de la fondatrice et directrice Christine paturel ici : http://www.liberte-scolaire.com/tribunes-libres-et-interviews/unique-en-son-genre-la-ferme-ecole-du-village-des-plateaux-s%E2%80%99est-installee-dans-l%E2%80%99entre-deux-mers/

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