9 mars 2015

Une assurance complémentaire d’éducation pour réformer le système éducatif français

Capture d’écran 2015-03-05 à 08.00.49Dans une note publiée par la Fondation pour l’innovation politique, Dominique Reynié, son directeur, et Erwan Le Noan, consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur, évoquent les difficultés de l’Éducation nationale à emmener tous les enfants vers des parcours de réussite et proposent des solutions pour réformer le système éducatif français.

Erwan Le Noan a accepté de répondre aux questions de la Fondation pour l’école.

“L’Éducation nationale ne suffit plus à répondre aux attentes des familles en matière de formation”, écrivez-vous. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Erwan Le Noan : Les enquêtes et nos recherches montrent que de nombreuses familles sont mal-à-l’aise avec l’école. Elles en attendent un service toujours plus individualisé, alors que l’Education nationale est conçue pour fournir un socle éducatif à de grandes masses d’élèves selon des modèles que l’on pourrait dire « uniformisés ». Il y a dès lors nécessairement une certaine inadéquation qui se crée entre l’offre scolaire et la demande des familles. Cette incompréhension n’est pas destinée à durer : l’Education nationale peut changer ; mais elle le fera à son rythme, qui est celui d’un ministère administratif qui gère des centaines de milliers de salariés (enseignants, personnel) et des millions d’élèves. Les familles ne peuvent pas se permettre d’attendre pour que leurs enfants trouvent leurs marques dans le système éducatif, elles se tournent donc vers des compléments divers, dont le soutien scolaire.

Selon vous, les chemins de la réussite sont désormais réservés aux catégories les plus aisées. Comment en est-on arrivé là ?

Erwan Le Noan : Les enquêtes montrent que la réussite est plus facile pour les enfants issus de deux catégories sociales : les classes les plus favorisées et les enfants d’enseignant. Les premières peuvent avoir accès, si elles le souhaitent, à des offres payantes ; mais en réalité, leur force est souvent d’être déjà très qualifiées et donc de connaître le système scolaire. C’est précisément ce qui explique, certainement, la réussite des enfants d’enseignants – car ce sont bien eux qui réussissent le mieux. Dans un système scolaire complexe à comprendre, les enfants qui réussissent bénéficient des bonnes informations, d’une bonne compréhension du labyrinthe d’orientation.

Rien de tout cela est anormal ni immoral : les parents agissent, légitimement, pour aider leurs enfants. Ce qui est moins normal et plus immoral, c’est que le système garde sa complexité générale sans se soucier de ceux qui s’y perdent. L’Ecole est pensée de façon uniforme au niveau national, selon le modèle d’un élève théorique qui n’existe pas. Pour tenter de s’adapter à la réalité, on a multiplié les rustines, les programmes spécifiques, les options rares. Les familles non informées sont perdues ! Le meilleur exemple, c’est la carte scolaire : au niveau local, les familles bien renseignées savent la contourner (quitte à passer dans le privé), pas les autres. Pour autant, la politique éducative continue comme si ce système fonctionnait.

Pour réformer le système éducatif français, vous proposez de faire intervenir la solidarité nationale, sous la forme d’une assurance complémentaire d’éducation. Pouvez-vous nous préciser cette idée ?

Erwan Le Noan : Notre proposition est de permettre à chaque famille d’avoir accès, en plus du socle éducatif fourni par l’Education nationale, à des services complémentaires qui proposent à chaque enfant une prise en charge personnalisée. Cette logique fonctionne très bien dans la santé : chacun a une complémentaire en plus de la Sécurité sociale, par exemple. Cette dynamique renforce la solidarité nationale et œuvre concrètement pour que chaque famille puisse offrir les mêmes chances de réussite à ses enfants.

En pratique, pour les familles qui paient l’impôt sur le revenu, les heures de soutien seraient défiscalisées. Pour les familles non imposables, un « bon complémentaire éducation » serait créé, qu’elles pourraient utiliser auprès de l’organisme de leur choix, uniquement pour le soutien scolaire. Enfin, les entreprises pourraient aussi bénéficier d’un régime de défiscalisation pour acheter des heures de soutien scolaire et en faire bénéficier les familles de leurs salariés : elles pourraient ainsi négocier des tarifs intéressants avec les organismes spécialisés (exactement comme elles le font pour la santé ou la retraite). La dépense totale serait marginale : elle devra être financée par des économies. Elle est indispensable car elle permettra d’améliorer les performances scolaires (à ce titre, il faut rappeler que la France engage depuis de nombreuses années des dépenses importantes pour des résultats totalement décevants). De cette façon, la collectivité s’assurerait que chaque élève pourra bénéficier d’un soutien scolaire. Ce serait un « coup de pouce » majeur, un « bon complémentaire éducation ».

Notre proposition vient introduire un peu de souplesse et d’individualisation dans l’école. C’est important, mais il faudra conduire des réformes plus volontaristes encore pour l’Ecole dans notre pays.

Pensez-vous que la création d’écoles indépendantes est une réponse à cette attente des familles ?

Erwan Le Noan : La création d’écoles indépendantes est une solution, en ce qu’elle s’inscrit dans la multiplication des modèles de prise en charge individualisée. Puisque le système scolaire est rigide et uniforme, les écoles indépendantes peuvent proposer des solutions alternatives, différentes et complémentaires au modèle unique de l’Education nationale. Elles peuvent ainsi répondre à des besoins spécifiques de certains enfants, qui ont besoin pendant une partie de leur scolarité (ou son intégralité) d’une prise en charge spécifique que n’offre pas l’Education nationale aujourd’hui malheureusement. Dans la mesure où la plupart d’entre elles rendent à l’évidence un service public, il me semblerait logique et juste que l’Etat mette en place un financement public de ces écoles, dans le respect de leurs libertés spécifiques.

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