24 octobre 2012

Une forme originale d’enseignement : le préceptorat en petit groupe

Au collège, les cours dispensés par classe sont indispensables ; mais bien insuffisants. Les adolescents ne sont en effet pas autonomes d’un point de vue intellectuel et leur progression requiert des moments de formation individuelle. Bien cadencés, ceux-ci permettent d’éviter que les plus faibles n’accumulent les retards. Ils favorisent aussi la progression autonome des plus forts. Cela dit, les adolescents ne viennent pas que s’instruire au collège. Cette petite société, à mi-chemin entre la société familiale et la société civile, est leur société. Y vivant huit heures par jour, ils y sont émotionnellement très impliqués. Ils y grandissent ; ils y éprouvent et épanouissent tous les aspects de leur personnalité. En quelque sorte, l’étude leur tient lieu d’état de vie.

Vue de classe de la salle de préceptorat du Collège latin

Malheureusement, les influences les moins bonnes ont tôt fait de prévaloir et il ne convient pas de les abandonner à eux-mêmes. Au contraire, par une présence engagée, par l’exemple donné, par l’orientation discrète des jeux et des conversations, il revient aux adultes de susciter une atmosphère propice à leur éducation. Il est même souhaitable que ceux-ci, de manière plus personnelle, s’offrent à les écouter et à les conseiller. À l’adolescence en effet, les enfants tendent à s’affranchir de leur famille ; il arrive que des conflits les opposent à leurs parents et que ces derniers perdent de leur ascendant. Un adulte-tiers peut alors jouer un rôle des plus bénéfiques.

Ces considérations suggèrent les contours d’un engagement que nombre de professeurs ou d’éducateurs tâchent de vivre en marge de leurs obligations réglementaires. Mais comment s’impliquer sérieusement auprès de cent ou deux cents élèves que l’on ne voit que quelques heures par semaine en se hâtant d’une classe à l’autre ? Le taylorisme qui structure tout l’enseignement secondaire nuit terriblement à la profondeur des relations pédagogiques. Aussi, dans la plupart des établissements, bien qu’un élève voie chaque jour près de dix adultes soucieux de son progrès, il ne s’en trouve aucun pour le connaître vraiment et lui accorder l’attention dont il a besoin. On s’en désole mais il faut bien s’y résigner. C’est qu’un tel engagement suppose, pour être vécu pleinement, des relations privilégiées. Au Collège latin, nous parlons de préceptorat.

Notre projet, quand le collège comptera suffisamment d’élèves : que la vie scolaire ait pour cadre ordinaire des groupes d’une douzaine d’adolescents, chaque groupe étant confié au soin d’un précepteur. Dans l’idéal, celui-ci est avant tout un professeur. Il assure à ce titre certains cours et, en accord avec ses collègues, coordonne l’ensemble des enseignements.

Mais bien plus large est sa mission : il accueille le matin ses élèves, supervise leur travail lors des moments d’étude personnelle, les encourage quand ils fléchissent, les soutient quand ils achoppent, au besoin les reprend. Il les reçoit régulièrement en entretien individuel et, de concert avec leurs parents, veille à l’unité de leur formation ainsi qu’à l’équilibre de leur rythme de vie.

Jour après jour, il les incite à l’effort, au dépassement de soi, à la dignité des attitudes et des propos tenus… Il garde sur leurs divertissements un œil attentif et, à l’occasion, sait s’y impliquer. Il s’efforce en tout temps de maintenir un climat d’ordre, de confiance et de joie.

Il est enfin disponible aux conversations spontanées, aux questionnements impromptus, à tous ces échanges informels qui, insensiblement, façonnent une familiarité vivante avec la culture de l’esprit et la culture du cœur.

Cette proximité pédagogique existait autrefois, quand les parents confiaient leurs enfants non pas tant à des institutions qu’à des maîtres reconnus. Elle fit la grandeur de la paideia antique, la richesse de l’enseignement médiéval, l’excellence de l’éducation humaniste. Par la suite, le dévouement total des religieux à leurs élèves la perpétua dans les collèges congréganistes. Elle subsiste aujourd’hui quelque peu dans le monde anglo-saxon. En France, elle n’est guère mise à l’honneur. On la rencontre pourtant, ici ou là, notamment dans les classes préparatoires, où les professeurs des matières dominantes ne suivent qu’une seule section d’élèves.

Cédric Paulay, fondateur et directeur du Collège latin, auteur de cette tribune libre

Au Collège latin, elle est un principe essentiel : le pivot du projet éducatif. Par elle, nous souhaitons permettre à des professeurs passionnés de donner ce qu’ils ont de meilleur. Dans l’ordre intellectuel bien-sûr, mais aussi dans l’ordre moral : car c’est bien souvent par adhésion à celui qui enseigne que les adolescents adhèrent à ce qui est enseigné ; car nul ne saurait témoigner de ce qu’il sait sans, en même temps, témoigner un peu de ce qu’il est.

Diplômé de l’Université de Tours et de l’Institut d’Études politiques de Paris, Cédric Paulay assure aujourd’hui la direction du Collège latin et assume la charge de précepteur dans la première classe de l’institution. Tél. : 01 84 16 37 59 – Site Internet : www.collegelatin.fr.

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