15 janvier 2013

L’école doit former et non formater les esprits

Alors que le secrétaire général de l’Enseignement catholique avait appelé le mois dernier les établissements religieux à organiser des débats sur le mariage homosexuel, Vincent Peillon a écrit vendredi 4 janvier aux recteurs pour les appeler à « la plus grande vigilance » concernant ces débats afin qu’ils n’alimentent pas l’homophobie. Le secrétaire général de l’Enseignement catholique, qui avait lancé l’idée des débats, s’est immédiatement justifié, expliquant vouloir « éclairer les consciences ». Anne Coffinier, directrice générale de la Fondation pour l’école, explique que le but de l’école est, avant tout, de former les esprits.

Pour le ministre, les discussions sur le mariage gay ne doivent pas se traduire en « rejet et stigmatisation ». Ainsi, « je vous appelle à la plus grande vigilance à l’égard des conditions du débat légitime qui entoure le mariage pour tous […] à la retenue et à la neutralité au sein de tous les établissements afin que l’école ne fasse l’objet d’aucune instrumentalisation », a insisté le ministre.

Le secrétaire général de l’enseignement catholique est-il allé trop loin ? Le ministre Vincent Peillon est-il dans son rôle en rappelant la neutralité ? Cette neutralité, sur des sujets aussi brûlants, est-elle possible ?

JOL Press : Les questions sociétales et politiques ont-elles leur place à l’école?

Anne Coffinier : À travers l’éducation civique ainsi que l’étude de la littérature, de l’histoire et de la philosophie, les questions sociétales et politiques sont abordées de manière habituelle par l’institution scolaire. Ce n’est pas nouveau, cela remonte à l’Antiquité. En pratique, pour des questions de maturité évidente, ces thèmes sont surtout traités en fin de collège et au lycée. Lorsque vous étudiez Tartuffe de Molière ou les Pensées de Pascal en français, lorsque vous étudiez en philosophie « Dieu existe-t-il ? »…, il est évident que vous ne pouvez et ne devez pas mettre de côté la dimension politique de ces textes ou de cette question philosophique.

En revanche, traditionnellement, il s’agissait d’étudier des débats situés dans le passé, dans un cadre historique bien précis, non pas de débattre sur des questions contemporaines. Ce n’est pas par goût de l’archaïsme mais parce que cette mise à distance des questions politiques est des plus utiles : elle évite que la réflexion soit polluée par les passions, elle permet de fonder le débat sur la raison, non sur l’affect.

Aujourd’hui, la raison est la grande perdante de la propension actuelle à vouloir débattre de sujets d’hyper-actualité. Ainsi, si l’on est particulièrement attaché à la formation de l’esprit critique et du discernement des élèves, il faut se garder de pousser les élèves à s’exprimer publiquement sur des sujets brûlants et leur demander plutôt de former leur esprit critique sur des questions morales classiques qui ne nécessitent aucun engagement ou prise de parti personnels. Ce qui importe, c’est d’habituer les élèves à penser, c’est-à-dire à poser les problèmes rigoureusement, à peser le pour et le contre, à comprendre pourquoi et comment un problème politique ou moral s’est posé dans l’histoire et comment il a pu se poser différemment dans le temps.

JOL Press : À partir de quel âge, ou quelle classe, un enseignant peut-il ou doit-il inviter ses élèves à débattre de l’actualité ?

Lire la suite de l’article écrit par Marine Tertrais pour Jol Press.

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