6 juillet 2016

Privé hors contrat : comment des parents ont créé une école Montessori dans le Pas-de-Calais

Liberté Scolaire reproduit ici une dépêche AEF au sujet de l’ouverture d’une école Montessori dans le Pas-de-Calais. 

AEF

Lille, le 02/06/2016 16:03:00Dépêche n°538293

Privé hors contrat : comment des parents ont créé une école Montessori dans le Pas-de-Calais (4/5)

Par Sylvain Marcelli

Soucieux de proposer une éducation alternative à leurs enfants, des parents ont ouvert leur propre école Montessori à Hermaville, près d’Arras (Pas-de-Calais), après cinq ans de travail. “Nous n’avons pas eu de bâtons dans les roues mais nous n’avons pas non plus été aidés”, confie Guillemette Abraham, présidente de la structure. L’école primaire ne signera pas de contrat d’association avec l’État : elle tient à sa “liberté”, notamment pour recruter ses éducateurs. Contrepartie de cette indépendance, les frais de scolarité s’étagent entre 200 € et 330 € par mois. Les écoles se réclamant de la pédagogie Montessori connaissent une “montée en puissance”, selon leur fédération nationale, qui en référence une petite centaine. AEF publie le quatrième volet de son enquête sur l’enseignement privé hors contrat(1).

Les enfants de l’École Montessori de l’Artois bénéficient d’une grande autonomie dans leurs apprentissages.

  1. Ma.

Il leur aura fallu cinq ans pour créer leur école. À la rentrée 2015, un collectif de parents ouvre deux classes Montessori à Hermaville, un petit village situé à une quinzaine de kilomètres d’Arras. “Si on nous avait dit tout le chemin qu’il fallait parcourir avant d’ouvrir, je ne sais pas si nous nous serions lancés”, explique Guillemette Abraham, présidente de cette école hors contrat sous statut associatif. “Nous n’avons pas eu de bâtons dans les roues mais nous n’avons pas non plus été aidés”, ajoute-t-elle.

Une pédagogie centrée sur l’enfant

La pédagogie Montessori place l’enfant au cœur des apprentissages. En manipulant du matériel spécifique, celui-ci développe des compétences variées (classer, trier, élaborer un raisonnement…) et affine son langage. L’éducateur reste en retrait et favorise son autonomie. La méthode Montessori cherche à respecter les moments où l’enfant est le plus réceptif à un apprentissage – ces moments sont appelés “périodes sensibles”.

Le projet naît courant 2011 de discussions entre des parents peu satisfaits de l’enseignement dispensé par l’Éducation nationale. Parmi eux, Amélie Paques : cette ancienne professeure de maths s’est formée pendant un congé parental aux méthodes d’éducation imaginées par Maria Montessori au début du XXe siècle. Autour d’elle s’agrègent une dizaine de familles, qui se retrouvent régulièrement pour parler de l’administration, des finances, des locaux de la future école – après avoir vérifié, lors de deux réunions publiques, qu’il y avait une attente des familles dans le secteur.

L’école démarre avec une trentaine d’enfants : 15 dans “l’ambiance” – la classe – des petits (de 2 ans et demi à 6 ans) et 13 dans l’ambiance des grands (de 6 ans à 11 ans). “L’an prochain, notre effectif sera complet et il y a même une liste d’attente : nous avons prouvé en un an que ça fonctionnait”, se félicite Guillemette Abraham. “Les gens réfléchissent de plus en plus à d’autres modes d’éducation : nous recevons des appels de parents d’enfants handicapés, en difficulté ou précoces mais aussi de parents qui cherchent une éducation bienveillante et un petit effectif”, détaille-t-elle.

UNE “ABSENCE TOTALE DE FINANCEMENTS” EXTÉRIEURS

“La plus grande difficulté que nous avons rencontrée dans le montage du projet est l’absence totale de financements”, relate Guillemette Abraham. “Nous avons rencontré la communauté de communes mais on nous a répondu que les fonds publics devaient aller au secteur public. Nous avons ensuite rencontré des business angels et des réseaux d’entreprise, qui se sont montrés intéressés par le projet mais nous ont expliqué qu’ils n’avaient pas le droit de financer des associations”. Conclusion : “Les frais de scolarité sont la seule entrée financière possible”.

Guillemette Abraham, présidente de l’École Montessori de l’Artois.

  1. Ma.En vitesse de croisière, l’école a besoin de 120 000 euros par an pour vivre. Les frais de scolarité sont modulés en fonction des revenus des familles, qui paient entre 207 euros et 332 euros par mois. “La mise aux normes du bâtiment a fait grimper le coût global”, note la présidente de l’association. Signe que le projet intéresse, une campagne de financement participatif a permis de récolter 7 000 euros en trois mois. En mettant tout bout à bout, l’association calcule alors qu’il est possible d’ouvrir avec une vingtaine d’enfants.

DES LIENS TÉNUS AVEC LE RECTORAT

Son modèle économique ne repose pas uniquement sur l’école. Des conférences et des formations payantes sont organisées mais aussi des “ateliers” Montessori qui accueillent des enfants scolarisés dans une école ordinaire, le mercredi et pendant les vacances. Par ailleurs, les coûts de personnel sont réduits au maximum : l’école tourne avec deux éducatrices (il n’y a pas d’enseignants dans la pédagogie Montessori) et deux aides-éducatrices. Le midi et en fin de journée, des parents viennent leur prêter main-forte, matérialisant le principe de co-éducation.

Quant aux liens avec l’Éducation nationale, ils sont ténus. “Nous avons adressé une déclaration d’ouverture, assez facile à remplir, au rectorat”, explique Guillemette Abraham. L’école n’a pas été inspectée. L’association a eu toute latitude pour recruter le personnel. Amélie Paques a été embauchée comme coordinatrice de l’école et éducatrice des “grands”. Sa collègue, Jennifer Maréchal, s’est formée à la pédagogie Montessori après avoir travaillé en crèche et dans la protection de l’enfance. “Nous souhaitons rester une école hors contrat pour garder notre liberté de recrutement et de fonctionnement”, revendique Guillemette Abraham.

Au moins une centaine d’écoles Montessori en France

L’Association Montessori de France (AMF) se porte garante de la qualité pédagogique de 90 écoles (quasiment toutes hors contrat). “Il y a une montée en puissance de la pédagogie Montessori en France”, souligne-t-elle. “Il y a cinq ans, il y avait deux ou trois ouvertures par an. Depuis, les projets se multiplient”. L’association a ainsi connaissance d’une quinzaine de projets pour la rentrée 2016. “Comme l’Éducation nationale va mal, les parents veulent avoir le choix pour leur enfant… et comme ils sont de mieux en mieux informés de l’existence d’autres pédagogies, grâce aux médias notamment, ils se tournent vers nos écoles”, indique-t-elle.

Mais toutes les écoles en activité ne sont pas référencées par l’AMF. C’est le cas de l’école d’Hermaville. “Pour être reconnus, il faut embaucher des éducateurs formés par l’Association Montessori internationale (AMI)”, explique Guillemette Abraham. “Comme ils sont peu nombreux, nous avons fait le choix d’embaucher des gens formés par d’autres organismes (La Source et Montessori Kids). Leur CV, leur formation et leur expérience nous semblaient très corrects”.

 

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