27 octobre 2018

Ne surfons plus sur la vague ! La tribune d’Anne Coffinier à propos du déferlement #PasDeVague

Premier de la classe, le ministre de l’Education nationale a fort à faire avec une fronde virtuelle mais bien réelle sur Twitter. Depuis plus de 72 heures en effet, les profs se rebiffent à l’appui d’un hashtag #PasDeVague, pour décrire le délitement de l’autorité à l’école. Derrière cette vague d’indignation, le spectre bifrons de la récupération politique et du laissez-faire. Pour arrêter la déferlante ?

Mais qui a eu cette idée folle d’enflammer l’école ? On rejettera la faute sur la révolution sociale ou bien sur le retour de l’autoritarisme dans la classe… Pourquoi pas dénoncer une fois encore le manque de moyens, et même, les écoles indépendantes ?

Notre société a perdu la foi dans l’autorité, parce qu’elle est dépourvue de convictions partagées sur ce que pourraient être les sources de sa légitimité. L’école s’en trouve profondément déstabilisée, désinstitutionnalisée. Dès lors, elle n’arrive plus concilier les impératifs contraires que sont l’ordre et la liberté. Sachons donc extraire de la vague ce qu’elle emporte d’enseignements positifs, pour favoriser la nécessaire sérénité à l’école, au lieu de nous complaire dans des oppositions qui n’apportent plus de solutions constructives.

L’évidence est là. Sur Twitter, sur Facebook, les enseignants crient leur ras-le-bol face à la violence des élèves et à la plus grande violence, encore, d’une hiérarchie qui organise trop souvent son retrait pour éviter la vague. Dans certains lycées en effet, certainement pas dans tous, la parole libérée ne circule que d’un côté de l’estrade. Un professeur qui envoie un élève en étude, pour tenir sa classe et réussir à faire cours est bien souvent accusé de manquer d’autorité par sa hiérarchie. Comment l’accepter ?

La crise de l’autorité à l’école révèle trois grands maux, qui gangrènent non seulement le monde éducatif, mais aussi la société française dans son ensemble.

En premier lieu, le manque de légitimité dont l’autorité n’est pas ou plus revêtue.

Il faut trouver les voies d’une meilleure entente entre les professeurs et leur hiérarchie, d’abord, pour renforcer le prestige des professeurs dans la classe. Les élèves doivent être à même d’envisager les conséquences d’un manquement au règlement dans le cadre d’une chaîne hiérarchique claire et efficace. Le manque de perception des modalités, du sens et de l’organisation de la contrainte, affaiblissent l’autorité des enseignants. Surtout quand ils font face à des élèves en situation d’échec. Il ne peut y avoir d’autorité légitime que lorsqu’elle s’exprime par des règlements clairs et compris par tous.

Deuxième mal, l’absence d’implication de trop nombreuses familles dans le quotidien scolaire de leurs enfants.

Avant d’envisager de nouvelles contraintes financières sur ces familles, analysons les manques dont celles-ci souffrent. Non pas pour excuser les contraventions au règlement, mais bien pour attaquer le mal à la racine. La pauvreté aggrave évidemment l’exclusion, dont les formes sont multiples et insaisissables. L’élève qui braque son professeur se place, de facto, dans une situation désespérante. Il révèle une situation d’abandon total par sa famille et par l’Education nationale.

Face à ces deux défections, l’adolescent est livré à lui-même et s’autorise toutes les transgressions, sans même avoir conscience de faire quelque chose d’inadmissible. Il faut donc réhabiliter des initiatives pensées pour pallier le défaut d’autorité des familles quand l’école ne suffit plus. Souhaitons que la mise en place d’un Service national universel ouvre des perspectives, au-delà de celles qui sont exploitées de manière sous-optimale aujourd’hui.

Troisièmement, la crise ouverte par l’agression du lycée Branly révèle le manque criant de valorisation du métier d’enseignant.

Là encore, les écoles indépendantes veulent faire figure de modèle et engendrer une dynamique d’entraînement favorable dans les établissements publics. Les professeurs choisissent d’y exercer librement, parce qu’ils se sentent en accord avec la vision éducative portée par l’école, vision mise en œuvre de manière solidaire par le corps professoral (qui fait corps justement) emmené par le directeur de l’établissement. Ces professeurs incarnent non seulement l’autorité, mais aussi et d’abord la confiance qui sont également nécessaires au service du développement de l’esprit de responsabilité et de cohésion qui devraient animer l’ensemble de nos établissements et, partant, chaque élève dans sa relation avec les professeurs.

La revalorisation du métier d’enseignant n’est pas seulement une question de salaire. Elle passe nécessairement par le regard que la société porte sur la connaissance et les modalités de sa transmission.  Dans notre société connectée, il importe justement de repenser et réassoir cette autorité de la transmission en tenant compte de la fin apparente de la rareté du savoir…

La Fondation pour l’école encourage les professeurs à se former tout au long de la vie, mais aussi à reprendre confiance en la centralité de leur rôle dans la motivation de leurs élèves et leurs apprentissages. L’extrême variété des publics qu’accueillent les écoles indépendantes conduisent à envisager des actions de formation audacieuses et innovantes, jamais passives, toujours attachées à l’idée qu’il n’y a pas de bienveillance sans respect, pas de respect sans autorité, enfin, pas d’autorité sans écoute.

Anne COFFINIER
Directrice  générale de la Fondation pour l’école

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