20 janvier 2020

C’est désormais officiel : la liberté pédagogique n’existe pas à l’école publique

L’Inspection générale de l’Éducation nationale vient de rendre son dernier rapport sur l’autonomie des établissements. Loin d’être une surprise pour les observateurs de notre système scolaire, ce rapport a ceci de remarquable qu’il émane des services mêmes du Ministère et qu’il officialise donc, en 146 pages, l’échec relativement complet de la politique d’autonomie des établissements en France. 

Dès lors qu’on ne s’étonne plus du succès grandissant des établissements indépendants, qui font de la liberté pédagogique leur fer de lance, pour le plus grand bien de leurs élèves comme celui de leurs professeurs.

Un fort intéressant article du site ToutEduc, que nous nous permettons de reproduire ci-dessous avec l’accord de son auteur, se fait l’écho de ce rapport.


L’autonomie des établissements : en partie un leurre (Inspection générale)

Paru dans Scolaire le mardi 14 janvier 2020, sut le site ToutEduc.

L’autonomie dont disposent les collèges et les lycées est le plus souvent “ramenée à la question de la répartition des heures entre les disciplines et au financement de projets pédagogiques concurrents”, constate l’inspection générale de l’Education nationale qui avait choisi ce thème pour son “rapport annuel 2019”.

La mission “fait deux grandes observations.

  • D’une part, quels que soient les choix dans les établissements, une tendance générale est de reproduire chaque année les dispositifs et les projets existants, qu’ils aient ou non fait leurs preuves. Une fois installés, ils prennent une allure d’habitude, voire d’acquis, que l’on n’interroge plus dans les équipes, par crainte de mécontenter les collègues ou de mettre les disciplines en concurrence.
  • D’autre part, la mission observe une tendance forte à utiliser les marges horaires d’autonomie pour alléger les effectifs (…) sans s’interroger ni sur leur impact ni sur celui d’autres types d’organisation, tels que la co-intervention ou les observations croisées, dont on sait par ailleurs qu’ils peuvent se révéler bénéfiques pour la réflexion pédagogique et l’enrichissement des pratiques. C’est essentiellement en lycée professionnel et en éducation prioritaire – laquelle continue de jouer son rôle de laboratoire pédagogique – que de telles pratiques entrent dans les habitudes professionnelles.”

Manque une analyse préalable

Les inspecteurs généraux soulignent le “grand degré d’investissement” des personnels de direction, mais ajoute que manque “une analyse préalable et un projet pédagogique largement partagés“. Dès lors, “le ‘quoi’ et le ‘comment’ prennent souvent le pas sur le ‘pourquoi’ “ et “la discussion des choix pédagogiques est perçue comme relevant d’une mise en concurrence des équipes disciplinaires, voire des professeurs eux-mêmes, autour d’enjeux de moyens”.

Pourtant, dans les établissements “où le conseil pédagogique semble bien installé comme instance de concertation sur la répartition de la DHG, le conseil d’administration peut n’avoir plus qu’à entériner des choix discutés en amont”. Le rapport donne l’exemple d’un collège où 14h hebdomadaires ont été mobilisées pour l’accueil et l’accompagnement des élèves de 6ème. Dans un autre, elles sont “essentiellement utilisées pour répondre à la priorité numéro un du projet de réseau lire, écrire, parler”. Ailleurs, “la mission relève avec intérêt que certains chefs d’établissement ménagent des temps et des lieux pour permettre aux différents acteurs de confronter leurs manières de voir et de faire, par exemple en banalisant une heure dans les emplois du temps de chacun des enseignants”.

Des heures supplémentaires mal utilisées

Sans parler de détournement de moyens, la mission relève que les HSE (heures supplémentaires effectives) qui sont “prévues pour la rémunération d’interventions pédagogiques ponctuelles” sont parfois transformées en HSA (heures annuelles) pour financer des projets “dont l’intérêt n’est que rarement questionné”, mais “à la plus grande satisfaction des enseignants qui en bénéficient”.

Encore faut-il, pour bien exercer son autonomie et faire des choix, que l’établissement dispose de moyens : “En dessous de seize divisions au collège et de neuf divisions de seconde au lycée, il est difficile de couvrir l’ensemble des besoins, notamment pour l’ouverture des enseignements optionnels (…) Dans un collège de seize divisions, les trois heures de dotation horaire supplémentaire par division représentent 48 heures et peuvent permettre de financer des dédoublements, par exemple à hauteur de 32 heures, du soutien et de l’accompagnement personnalisé pour 8 heures, une LCA pour 5 heures, une bilangue en 6e pour 2 heures et une chorale pour 1 heure. En dessous de seize divisions, la dotation horaire supplémentaire affectée nécessiterait de faire des choix parmi ces dispositifs”.

Autres freins à l’utilisation des moyens, l’état des bâtiments et les transports scolaires, mais aussi des considérations non pédagogiques. “Dans l’un des collèges de l’échantillon, les personnels rencontrés le disent sans ambages : On dédouble cette année en technologie pour sauver un poste.” Ailleurs, c’est pour que certains enseignants puissent faire leurs 18h dans l’établissement.

La crainte d’être jugé

De plus, les indicateurs sur lesquels fonder un diagnostic et une politique d’établissement sont mal identifiés, qu’il s’agisse des “résultats scolaires courants, résultats aux examens, absentéisme, exclusions, taux d’accès troisième-seconde/seconde-terminale, poursuite de formation ou d’études, etc.”, notamment par “crainte d’être conduit à porter des jugements les uns sur les autres ou d’être soi-même jugé”. D’ailleurs, les équipes de direction disposent de peu de moyens “pour infléchir les pratiques pédagogiques”, “faire accepter les constats de non-fonctionnement” et “changer les pratiques individuelles ou collectives”.

Le rapport “L’autonomie des établissements scolaires. Pratiques, freins et atouts pour une meilleure prise en compte des besoins des élèves” ici (PDF)

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